Sachets de thé et pollution invisible : microplastiques, nanoplastiques et dangers pour la santé en 2025
L’un de mes tous premiers articles, écrit en 2020, traitait de la libération de micro-plastiques des sachets de thé infusés dans l’eau. Les risques pour la santé à long terme sont mal connus. On sait par exemple que le développement des organismes plus simples comme le plancton serait perturbé … pour des conditions d’exposition similaires à la consommation lambda : un sachet dans un mug. Quelles sont les découvertes en 2025 ?
Qu’est-ce qu’un sachet de thé ?
Définir la composition exacte d’un sachet de thé n’est pas chose aisée car les vendeurs n’ont pas l’obligation d’en décrire les constituants. Aujourd’hui, de nombreux matériaux peuvent être utilisés, qu’ils soient issus de l’industrie pétrolière ou dérivés des végétaux. On distingue les plastiques pétroliers tels que les fibres de nylon, les populaires plastiques végétaux biodégradables comme le PLA, ou les matières premières végétales comme la cellulose. Il peut y avoir des assemblages de plastiques, des assemblages de plastiques et de matières premières végétales ou l’utilisation stricte de matières premières végétales.
Un sachet en apparence « papier » peut contenir de la cellulose avec des plastiques. Un sachet pyramide peut être fait de nylon (le fameux « sachet cristal ») ou de PLA biodégradable. Un sachet « coton » peut contenir du nylon et de la cellulose ou alors être totalement tissé avec de l’abaca ou du chanvre.
La conception du sachet
D’un point de vue pratique, un sachet avec un pattern uni sera plutôt utilisé pour des feuilles de thé brisées tandis qu’un sachet au pattern de jonctions plus larges sera utilisé pour des feuilles mieux conservées. Des fibres peuvent être jointes à l’aide de plastique pour renforcer la durabilité du sachet dans l’eau chaude. En dehors des questions des différents coûts matériels, dont la recherche scientifique fait rarement mention en publications, la conception du sachet aurait un impact sur l’infusion : l’agencement des fibres et la caractéristique physico-chimique des matériaux (hydrophobie, porosité, etc).
Par exemple, l’utilisation d’un sachet en nylon « tissé » (pattern quadrillé régulier) permettrait une infusion environ 20% plus efficace sur la première minute que les sachets au pattern irrégulier/non tissé. Le choix de matière (ex : « woven nylon » vs « nylon hybride cellulose » vs «100% cellulose ») aurait un impact sur la porosité du sachet de thé. Il semblerait que plus les sachets de thés contiennent des matières végétales, plus ils seraient hydrophobes/moins poreux, ce qui pourrait limiter la diffusion des molécules des feuilles de thé dans l’eau.
La conception du sachet aurait un coût supplémentaire sur notre santé, puisque des micro-cassures peuvent apparaître lorsque le sachet entre dans l’eau et donc libérer des morceaux de fibres dans l’eau. Et oui, quand vous secouez le sachet dans l’eau par exemple ! Ces micro-cassures apparaissent dans tous les types de matériaux (bien que les fibres de nylon tissées semblent moins soumises à ce problème). Elles représentent malheureusement une autre source de libération de microplastiques dans l’eau. Les plastiques biodégradables végétaux ne seraient pas en reste, ils libèreraient 1000 fois moins de plastiques que les plastiques pétroliers mais ne sont donc pas une source anodine en contaminants aqueux. De faible quantité de microplastiques auraient également été détectés avec des sachets végétaux. Ceci pourraient être dus à un possible traitement industriel des fibres ou encore à une contamination du sachet avec un emballage plastique. En effet, les emballages plastiques libèrent également des microplastiques au cours du temps qui peuvent s’accrocher à leur contenu.
Les questions environnementales que posent la dégradation des sachets plastiques semblent obtenir des réponses négatives, même pour les sachets biodégradables avec une absence de dégradation à 12 semaines dans les sols pour un sachet PLA, une détérioration de la biodiversité des sols notamment une mortalité des lombrics.
Pas que des microplastiques
Les microplastiques ne sont pas les seuls éléments qui constituent les matériaux que l’on utilise dans la société moderne. De nombreux produits du quotidien contiennent des nanomatériaux, des éléments d’une taille 1000 fois inférieures aux micromatériaux. Les nanomatériaux font l’objet de contrôle régulier pour la santé humaine. En France, le dioxyde de titane, qui est une nanoparticule utilisée comme additif alimentaire (E171), est interdit depuis 2020 en raison de sa toxicité avérée, un potentiel cancérigène. Il est difficile de prédire la potentielle toxicité d’un nanomatériau, c’est pourquoi, il est important de caractériser la présence de nanoplastiques libérés par les sachets de thé pour anticiper la mise en place d’évaluation à long terme.
Malheureusement pour les buveurs de sachets, des études récentes ont démontré la libération de nanoplastiques avec des sachets standards sur le marché. Le type de nanoplastiques et la quantité seraient variables selon le type de matériel, avec une libération plus faible pour le nylon. Dans une étude de 2024, les chercheurs ont cultivé des cellules de l’intestin productrices du mucus et de la barrière intestinales en présence des différentes nanoparticules libérées par les sachets. Selon le type de cellules et de nanoparticules, la morphologie des cellules, la capacité à produire du mucus ou former des barrières intestinales étaient altérées. On pouvait également retrouver des nanoparticules dans le noyau des cellules. Ceci est préoccupant puisque le noyau contient l’ADN de la cellule. Des adduits ou modifications causées par les nanoparticules peuvent entraîner une mort cellulaire ou des proliférations anormales.
La plupart des informations de la presse se sont portées sur les premiers articles traitant des microplastiques mais à mesure que les recherches sont publiées, il faut aussi considérer la présence des nanoplastiques, capables d’entrer dans des compartiments de la cellule inaccessibles par les microparticules. A l’image du dioxyde de titane, des études de toxicité et de cancérogenèse doivent être menées pour déterminer les matériaux qui seraient les moins susceptibles de provoquer un risque de santé à long terme.
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